França - Le Figaro
Les embarras de Washington face au Honduras
03/08/2009
AMÉRIQUE CENTRALE
Un deuxième partisan du président destitué, Manuel Zelaya, a été tué alors qu'il manifestait contre le coup d'Etat du 28 juin dernier qui a permis à Roberto Micheletti de prendre le pouvoir.
Rio de Janeiro
LE DÉPARTEMENT d'État améri-cain a eu du mal à y croire. Ce week-end, le gouvernement de Roberto Micheletti, autoproclamé président du Honduras il y a un mois, a menacé de supprimer les visas des diplomates américains en poste à Tegucigalpa. Cette mesure fait suite à l'annonce par Washington, mardi dernier, de l'annulation des visas de quatre fonctionnaires honduriens direc-tement responsables du renverse-ment du président Manuel Zelaya.
Ce curieux bras de fer entre la première puissance régionale et un pouvoir local dont aucun pays ne reconnaît la légitimité s'expli-que peut-être par la tardive réac-tion américaine. Pendant des décennies, les États-Unis ont été associés dans l'esprit de beaucoup Latino-Américains aux renverse-ments de dirigeants populaires.
Du coup d'État militaire appuyé par les États-Unis au Guatemala en 1954 à la reconnaissance de la destitution de Hugo Chavez en 2002 au Venezuela, les exemples ne manquent pas.
Depuis son investiture, le prési-dent Barack Obama répète que les choses ont changé. «L'Amérique ne peut pas et ne doit pas chercher à imposer un gouvernement où que ce soit. Et nous n'avons pas toujours fait ce qu'il fallait faire sur ce terrain », déclarait-il début juillet lors d'un discours à Moscou. Quelques jours auparavant, il s'était pronon-cé contre le coup d'État «illégal» au Honduras, estimant que le pré-sident était toujours Manuel Zelaya. Mais ces annonces n'ont pas été suivies d'actes concrets. La secrétaire d'État Hillary Clinton s'est même montrée beaucoup moins engagée que son président, en refusant de se prononcer en faveur du retour de Zelaya.
Une médiation costaricaine de peu de poids
Les Etats-Unis se refusent à endosser les habits d'arbitre, pré-férant se ranger derrière l'Organi-sation des États américains (OEA) et applaudissant la médiation d'Oscar Arias, le président du Costa Rica. Mais les propositions de ce dernier ont été refusées par Roberto Micheletti, et l'OEA n'a aucun pouvoir réel. «L'OEA peut simple-ment refléter une vision régionale, mais elle ne peut pas intervenir directement dans la politique inté-rieure d'un pays, ni même antici-per une crise », explique Michael Cohen, directeur de l'Observatoire de l'Amérique latine à l'université New School, à New York. Il souli-gne que les pays de la région, jaloux de leur souveraineté, n'accepteraient jamais de doter l'OEA de tels mécanismes.
Ainsi, Micheletti est toujours en place et Zelaya reste bloqué A la frontière. Samedi, un deuxième de ses partisans est mort après avoir été atteint deux jours auparavant d'une balle dans la tête lors d'une manifestation contre le coup d'Etat. « Si Obama avait vraiment voulu mettre fin au coup d'Etat, il aurait pu par exemple geler les comptes de ceux qui ont pris le pouvoir », argumente Mark Weis-brot, codirecteur du Centre de recherche politique et économi-que (CEPR), basé à Washington. Il considère que contrairement à l'Iran, où l'appui de la Maison-Blanche était susceptible de dis-créditer les opposants, «au Honduras, il s'agit d'un gouvernementtotalement dépendant des États-Unis en termes d'aide, de commer-ce et de soutien moral, un gouver-nement que le monde entier a condamné ».
D'autres inquietudes sur le rôle de Chavez
Appuyer ouvertement Manuel Zelaya n'était pas chose facile, nuance Michael Shifter, vice-pré-sident de l'institut Inter-American Dialogue, à Washington. «La crise au Honduras a rappelé les différen-ces entre républicains et démocra-tes sur les questions sensibles de politique étrangère», souligne-t-il en estimant que le cas du Hondu-ras soulève d'autres inquiétudes, notamment le rôle de Hugo Cha-vez dans la région ». L'année der-nière, Manuel Zelaya avait annon-cé que le Honduras, déjà membre de Petrocaribe, le groupe de pays qui importent du pétrole vénézué-lien dans des conditions financiè-res avantageuses, allait adhérer à l'Alba, alliance de pays inventée par Caracas pour contrecarrer les projets de zone de libre-échange de Washington dans les Améri-ques.
La posture ambiguë du gou-vernement d'Obama a provoqué la colère des régimes les plus à gauche de la région, emmenés par Hugo Chavez. Les crises qui ont éclaté depuis deux semaines entre d'un côté la Colombie et de l'autre l'Équateur et le Venezuela n'arran-gent rien. La première accuse les seconds de liens avec la guérilla des Farc. Les seconds crient à la diffamation et ripostent en criti-quant l'installation prochaine de trois bases militaires américaines sur le territoire colombien. Le pré-sident brésilien Lula et son homo-logue chilienne Michelle Bachelet ont également fait savoir qu'ils voyaient d'un mauvais oeil cette décision, perçue comme typique d'une autre époque.
La crise au Honduras démon-trerait ainsi que malgré les pre-miers gestes prometteurs envers Cuba l'Administration américaine peine à tourner la page dans ses relations avec l'Amérique latine.
LAMIA OUALALOU
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