França - Le Figaro
Ahmadinejad : son deuxième mandat s'annonce délicat
06/08/2009
Delphine Minoui, à Beyrouth
Des alliés divisés qui pourraient compliquer la formation de son gouvernement, des opposants qui ne veulent pas renoncer, des puissances occidentales sur le qui-vive, le président iranien commence, fragilisé, un deuxième mandat.
«L'épopée de l'élection présidentielle du 12 juin est le début de changements importants en Iran et dans le monde.» C'est, fidèle à sa rhétorique prophétique que Mahmoud Ahmadinejad a prêté serment, mercredi, devant le Parlement iranien. Faut-il cependant y voir un possible signal de détente adressé à ses opposants et à la communauté internationale ? Boudé par la plupart des députés réformistes - 57 d'entre eux ont boycotté la séance -, lâché par certains de ses alliés conservateurs, critiqué sur la scène internationale, le président iranien n'a jamais été autant contesté. Pour s'affirmer, il cherche donc à arrondir les angles, en allant même jusqu'à évoquer, dans son discours, l'importance de la «iberté d'expression», comme étant un «cadeau divin».
Celui qui aime se faire appeler le «sauveur de la nation» sait qu'il peut toujours compter sur une base acquise, celle des déshérités et des milices islamiques. Lors de son premier mandat, ils ont bénéficié des aides sociales et des prêts à taux limités offerts par son gouvernement. Dans les campagnes, son allure simple et ses discours populistes font effet. Sa piété est perçue comme un signe de pureté.
«Moi, en tant que président de la République islamique d'Iran, jure devant le Coran sacré, la nation iranienne et Dieu d'être le gardien de la religion officielle, de la République islamique et de la Constitution», a-t-il solennellement déclaré, mercredi, lors de la cérémonie qui était retransmise par la télévision d'État.
Ses opposants, eux, mettent en doute ses bonnes paroles. Ils prédisent, pour certains, de possibles concessions de sa part, pour calmer la crise actuelle.
Mahmoud Ahmadinejad pourrait, pensent-ils, renoncer, dans un premier temps, à la «police des mœurs», chargée de faire la chasse aux filles «mal voilées» - qui était réapparue dans les rues au cours de ces dernières années.
Il pourrait, aussi, tirer un trait sur le système d'étoiles, qui avait été instauré dans les universités à partir de 2005, pour juger, et punir, les étudiants trop impliqués dans la politique. «Mais ce ne seront que des mesures destinées à maquiller son impopularité. En 2006, il avait tenté le même exercice en laissant entendre que les femmes pourraient pénétrer dans les enceintes des stades, où elles sont interdites d'accès… Sa proposition n'a finalement jamais été appliquée», prévient Banafcheh, une jeune Iranienne contactée à Shiraz, au sud de l'Iran.
Mercredi, le président iranien a d'ailleurs, selon elle, trahi ses efforts de modération apparente, en frôlant, une fois de plus, la provocation envers la communauté internationale et en ignorant les appels internes à une révision du scrutin. «Ils ont dit qu'ils reconnaissent l'élection mais qu'ils n'enverraient pas de message de félicitations. Cela signifie qu'ils veulent la démocratie seulement pour leurs propres intérêts et ne respectent pas les droits des peuples», a déclaré Ahmadinejad, en référence aux États-Unis. «C'est lui qui ne respecte pas les droits des peuples en ignorant une grande partie des Iraniens qui réclament depuis plus d'un mois et demi un nouveau scrutin juste et équitable !», rétorque Banafcheh, en évoquant les nombreuses accusations de fraude électorale.
«Un train sans frein et sans marche arrière»
En guise de résistance, deux des principaux adversaires d'Ahmadinejad au scrutin, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, continuent à refuser de reconnaître le nouveau président. Ils lui reprochent, outre son entêtement actuel, ses erreurs passées qu'ils craignent de le voir réitérer. Après sa première élection, en juin 2005, il s'était notamment distingué par ses déclarations jusqu'au-boutistes sur le programme nucléaire iranien, en le comparant à «un train sans frein et sans marche arrière».
L'opposition réformiste n'est pas la seule à guetter les faux pas du président.
Ses alliés traditionnels du clan conservateur, aujourd'hui divisés, pourraient lui rendre la tâche difficile au moment de la formation de son gouvernement - soumis à leur approbation. Sa politique économique populiste, vivement critiquée lors de son premier mandat, risque, aussi, d'être mise à rude épreuve. «Pour nombre de figures politiques conservatrices, il est désormais hors de question de laisser Ahmadinejad poursuivre sur le chemin de l'aventurisme économique. Face à la crise sociale, de nombreuses personnalités politiques iraniennes ont compris que la marge d'erreur du régime était désormais particulièrement limitée. Le désir d'encadrer le président n'en sera que plus fort», constate Frédéric Tellier, spécialiste de l'Iran à l'International Crisis Group
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