França - Le Monde
Très combatifs, les avocats des droits de l'homme sont de plus en plus réprimés en Chine
02/08/2009
LE MONDE
Shanghaï Correspondant
L'arrestation, mercredi 29 juillet à l'aube, à Pékin, de Xu Zhiyong, 36 ans, l'un des fondateurs de Gongmeng, l'organisation qui sert de plate-forme aux avocats des droits de l'homme et dont les autorités ont décrété la fermeture le 17 juillet, marque une escalade dans l'offensive menée contre un mouvement de plus en plus combatif.
Responsable légal de l'association, Xu Zhiyong devait se rendre, vendredi, à l'administration des impôts qui, depuis la mi-juillet, s'est attaquée à Gongmeng pour évasion fiscale, selon l'avocat Li Xiongbing, qui y a représenté l'association.
Le 29 juillet, la police de Pékin a aussi perquisitionné les locaux de l'association Yi Ren Ping, qui combat les discriminations dont sont l'objet les malades de l'hépatite ou du sida. Elle avait également assisté les victimes de la contamination du lait à la mélamine aux côtés des avocats de Gongmeng.
Pour Gongmeng, tout a commencé le 14 juillet par une lettre annonçant un redressement fiscal de 1,4 million de yuans (1,9 million d'euros). Xu Zhiyong a expliqué dans un communiqué, publié le lendemain, les "aberrations légales " du redressement fiscal. Les revenus de Gongmeng, issus de donations de la Yale Law School aux Etats-Unis, ont été dûment déclarés, sauf pour des sommes avancées mais non encore assignées à des projets. Le 17 juillet, les locaux de Gongmeng, à Pékin, faisaient l'objet d'une descente de police, au prétexte que son centre légal de recherche opère comme une ONG sans en être une.
Comme nombre d'entités chinoises à vocation d'ONG, Gongmeng a le statut d'un cabinet de consultants en Chine. En réalité, Gongmeng avait bien été enregistrée comme une association à but non lucratif à sa fondation en 2003, mais les autorités avaient ordonné sa fermeture un an après.
Les avocats liés à Gongmeng se sont saisis ces dernières années de dossiers juridiques particulièrement sensibles. Outre les victimes de la contamination du lait à la mélamine, ils défendent des pétitionnaires harcelés par la police, des membres du mouvement religieux Falun Gong, ainsi que des Tibétains. Ils se sont mobilisés contre l'installation obligatoire d'un logiciel de censure sur les ordinateurs chinois. En juin, Gongmeng a publié une enquête extrêmement critique de la politique officielle de développement économique au Tibet.
La mise au pas de Gongmeng est la dernière en date des représailles envers les avocats des droits de l'homme. Plus d'une vingtaine d'entre eux n'ont pas pu renouveler leur licence, fin mai, à la suite de pressions exercées par les autorités de tutelle sur les firmes qui les emploient. L'enlèvement de militants par des équipes de la sécurité d'Etat est une autre méthode d'intimidation. Teng Biao, un des fondateurs de Gongmeng, fut ainsi enlevé en mars 2008.
Avocat, professeur de droit à l'université des télécoms de Pékin, et représentant au Congrès du peuple de l'arrondissement de Haidian à Pékin (où il a été réélu en 2006 pour cinq ans), Xu Zhiyong était constamment sur le terrain, recueillant les témoignages de pétitionnaires rossés à l'hôpital. Ce partisan de la non-violence a également affronté les gardes de "prisons secrètes" où d'autres militants sont détenus, à Pékin.
"Les autorités ont longtemps considéré les ONG, surtout celles comme Gongmeng, comme des éléments hors du système, manipulés par les pays occidentaux et susceptibles de déclencher une "révolution de couleur "en Chine", nous expliquait récemment l'avocat Li Fangping, l'un des proches collaborateurs de l'ONG.
Brice Pedroletti
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